- sometimes the only thing we can do to ease the pain is call a simple truce. -
« Arrête de me mentir Tobias, je vois très bien qu'il te plaît ce nouveau patient ! » Primrose était insupportable, toujours à asticoter son fidèle ami. A peine avait-elle refermé la porte de la chambre du nouveau patient qu'elle l'assaillait de questions et de sous-entendus.
« Tu te fais des idées docteur Hawley. Puis... je te rappelle que je suis marié. » répondit Keane, le regard soudain perdu dans le vide.
« Être au régime ne veut pas dire que l'on a pas le droit de regarder le menu ! » plaisanta Prim.
« Puis, qui te dit que j'aime ce genre de ... personne. » Son amie se mit à rire.
« Par "ce genre de personne" tu veux dire les hommes. Eh bien, ça se voit comme le nez au milieu de la figure et il n'y avait qu'à voir comment tu reluquais notre nouveau venu dans le service ! » rétorqua la jolie résidente en chirurgie. Primrose connaissait Tobias par cœur. Ils avaient fait leurs études de médecine ensemble et avaient continué en faisant leur internat dans le même hôpital. Ils étaient rapidement devenus inséparables, si bien que certains les appelaient
Bonnie and Clyde. Par contre, s'il l'adorait, Toby détestait son côté "madame je sais tout" qui pouvait parfois se révéler assez insupportable. Belle et intelligente, Prim avait tout pour plaire ou presque et le fait qu'elle ai réponse à tout était sûrement l'un de ses plus grands défauts.
« Je te dis que je ne suis pas gay ! » s'emporta Keane, si bien qu'il regarda autours de lui pour vérifier que personne d'autre que son interlocutrice l'avait entendu.
« Le pire, c'est qu'en plus de me mentir, tu te mens à toi-même Toby. » dit-elle calmement. Le pire, c'est qu'elle avait raison. Elle lisait en lui comme dans un livre ouvert et cela l'effrayait un peu. Il fallait se rendre à l'évidence, il se mentait à lui-même depuis des années, refoulant au plus profond de lui ce qu'il était vraiment. Depuis son enfance, il s'efforçait de ressembler à son grand frère, cet enfant prodigue qu'il fallait prendre comme exemple et jusque-là, il avait plutôt bien réussi. Comme lui il avait épousé une femme quasi-parfaite, serait chirurgien titulaire en neurochirurgie dans moins d'un an et était l'heureux propriétaire d'une petite maison. Il ne lui manquait plus que les gosses pour être la copie conforme de son aîné. Ce jour-là, les mots de sa copine sonnèrent alors comme un électrochoc. Cependant, ne voulant pas avouer qu'elle avait raison, trop orgueilleux pour ça, il lui lança :
« Pff, pense ce que tu veux Prim. Fini de discuter, j'ai du travail. » Il tourna les talons et parti vaquer à ses occupations.
- love isn't something you find. love is something that finds you. -
Tobias alias docteur charmant rentra dans la chambre du patient pour lequel il avait un réel béguin, bien qu'il s'appliquait tant bien que mal à étouffer ses sentiment naissant pour le jeune homme.
« Quoi de neuf docteur ? » questionna le malade, un sourire au lèvre malgré son état plutôt préoccupant. Le jeune résident en neurologie osait à peine le regarder, ayant peur de craquer s'il avait le malheur de croiser son regard. Il fit semblant de relire son dossier, qu'il connaissait en réalité sur le bout des doigts et avala difficilement sa salive. S'ils n'agissaient pas rapidement, dans peu de temps, il serai mort.
« Eh bien ?! » s'impatienta monsieur Ainsworth.
« Voilà... la tumeur c'est encore étendue et si nous n'opérons pas au plus vite, vous pourriez perdre la vue. » il marqua une pose avant de demander :
« Pourquoi ne vous êtes-vous pas fait opérer avant ? Votre dossier montre que vous aviez passé un IRM il y a quelques mois. » Le visage du patient s'assombrit soudain, il semblait mal-à-l'aise.
« La vérité, c'est que je n'ai pas les moyens financiers de me payer les soins que vous voulez prodiguer. Puis arrêtez de me vouvoyer docteur... Keane. Je me sens atrocement vieux, déjà que je suis souffrant ! » il termina finalement sur un ton plus léger mais Tobias se demanda s'il ne se réfugiait pas dans l'humour. Le brun sentit aussi son cœur se serrer. S'il n'avait pas l'argent pour l'opération, l'hôpital refuserait de le soigner. Toby s'approcha un peu plus du lit.
« De toutes façons, je me suis fait à l'idée à mourir dans peu de temps. C'est triste mais c'est la vie. » sa voix était posée et il paraissait serein. Tobias ne put s'empêcher de lui prendre la main, comme pour le réconforter. Il aurait pu être à sa place s'il n'était pas né avec une bonne étoile et pour une fois depuis bien longtemps, il se sentit chanceux. Parce que oui, il aurait pu être là, allongé dans ce lit, à la merci du corps médical qui s'occuperait de lui comme il le fait avec Ainsworth. Le patient brisa le silence qui s'était installé :
« Vous réconfortez docteur tous les patients comme ça et je me fais des idées ou bien... » Le brun resta interdit, il sentait son cœur s'emballer contre son gré.
« Arrêtez de me regarder comme ça Keane, on dirait que je suis mourant... ce qui n'est pas totalement faux, je vous l'accorde. » Même dans ces moments-là, cet homme avait de l'humour et Tobias était impressionner par son calme. Voyant que le chirurgien restait muet, il reprit :
« Disons que j'ai l'argent pour me payer votre lavage de cerveau, combien de chance j'aurais de m'en sortir ? » L'homme en blouse blanche se passa la main dans les cheveux, nerveux.
« Il y a 30% de chance que vous mourriez sur la table, que tu meures sur la table, pardon, 40% que tu perdes la vue et 30% que tu t'en sortes sans conséquences. Puis, ce ne sont que des statistiques et la tumeur pourrait revenir plus tard. » expliqua-t-il le plus posément possible. « Eh bien c'est charmant ! Au moins, mourir aura été de ma décision et aucun toubib n'aura ma mort sur la conscience ! » plaisanta-t-il.
« Je vais te laisser... » « Ronald. » compléta-t-il.
« Je vais quand même essayer de trouver une solution. » Il ne pouvait pas se résoudre à le laisser mourir de la sorte, baisser les bras. Il lui tourna le dos, prêt à quitter la pièce quand Ron l'arrêta :
« Attend. » Il venait de le tutoyer pour la première fois et Toby fut surpris par ce changement. Le médecin s'exécuta et fit demi-tour en direction de Ronald.
« Approche. » Tobias s'approcha doucement et Ron se releva légèrement et avec difficulté, ayant une multitude de fils autours de lui et l'embrassa farouchement. Le cœur de Tobias s'arrêta un instant, il aurait voulu que ce moment dure une éternité et en même temps, il pensait à sa pauvre femme qu'il avait leurré des années durant.
« Moi c'est Tobias. Maintenant, il faut vraiment que j'y aille. » Tobias quitta la chambre, un peu comme un voleur et ne sachant pas trop ce qui lui arrivait.
- sometimes it lasts in love but sometimes it hurts instead -
Tobias rentra après une longue journée de travail et avoir passé le reste de la soirée au bar avec ses collègues pour décompresser. Il fit jouer sa clef dans la serrure le plus discrètement possible mais visiblement ses efforts ne servaient à rien et pour cause, son épouse l'attendait dans le canapé, les bras croisés, visiblement en colère contre lui. Toby déposa son trousseau de clefs dans le vide-poche de l'entrée et s'avança jusqu'à sa femme.
« Qu'est-ce qu'il y a mon amour ? » demanda-t-il en déposant un baiser sur son front alors qu'elle faisait toujours la tête.
« Qu'est-ce qu'il y a ?! » répéta-t-elle, furieuse.
« Que tu rentres à pas d'heure passe encore mais que tu ne me préviennes jamais et sentes l'alcool à des kilomètres est inadmissible Toby. » Tobias se sentit alors comme un petit garçon qu'on engueule.
« Je ne demande pas grand chose, juste un peu de considération bon sang ! » sa voix recouvrait celle du feuilleton télévisé qu'elle était en train de regarder avant la venue de son époux.
« Je suis désolé chérie. » tenta le brun pour la calmer.
« J'en ai marre que tu sois désolé Toby ! C'est trop facile de s'excuser ! Puis... je ne te reconnais plus depuis quelques temps. » Tobias ouvrit la bouche pour dire quelque chose mais il n'en eut pas le temps :
« On vit sous le même toit mais j'ai l'impression que nous sommes devenus deux étrangers l'un pour l'autre. Tu ne prêtes même plus attention à moi, j'ai l'impression de faire partie du décor. » sa voix se brisa et à présent, Tobias pouvait voir ses yeux briller de tristesse, et il détestait la voir dans cet état. Il s'assit à ses côtés dans le divan et l'enlaça.
« Je... je vais essayer de faire des efforts. » lui murmura-t-il à l'oreille en lui caressant les cheveux pour l'apaiser. Il ne savait pas s'il pourrait tenir sa promesse mais il détestait voir celle qu'il avait aimé aussi triste. Elle tourna la tête vers son époux, planta son regard dans le sien et lui annonça :
« Tobias, je suis enceinte. Tu vas être papa. » Keane resta interloqué, figé. Il lui sembla que le monde s'écroulait autours de lui. Maintenant, il savait que ce serait encore plus dur de la quitter pour vivre la vie dont il avait toujours rêvé.
« Tu ne dis rien ? » « Je... c'est formidable ! » mentit-il en lui souriant avant de déposer un baiser sur ses lèvres.